Patrice Bastien - Guitare solo.
Comme des milliers d'adolescents nés du baby boom, je n'échappe pas à la folie yé-yé qui s'empare de nous tous, au début des années 60. Même si je reconnais n'avoir été que moyennement fan des formations et des chanteurs français, c'est surtout à cause des Shadows et de leur mythique timbre de son que j'ai autant flashé sur cette époque ! Avec la complicité de trois copains, nous rêvons immédiatement, courant 1961, constituer un groupe instrumental composé (seulement) de deux guitares et d'une batterie. Ne me demandez pas pourquoi chacun de nous trois a pris naturellement sa place au sein du groupe, mais toujours est-il que la fonction de soliste à la Hank Marvin m'est de suite revenue ! A cette période héroïque, Serge Audebert, un copain de l'école élémentaire, tient la batterie, et Jacques Mazzoleni la guitare rythmique à la Bruce Welch. Les cancres changeant souvent d'établissement, Jacques nous présente, au début de l'année scolaire 1963, un certain Daniel Lavollée qui a, depuis cet instant, remplacé à la basse Jean qui n'était là que de temps en temps car la fonction ne l'intéressait guère. Serge, Jacques, Daniel et moi continuons à jouer la musique Shadows jusqu'en 1965. Puis chacun a ses obligations : soient professionnelles, soient d'études et même si nous jouons encore par intermittence, le groupe se dissout en 1967. Etant, grâce à mon père (directeur de la société Magnétic France) bercé dans le domaine de l'électronique B.F. depuis ma plus tendre enfance, mes études supérieures s'orientent logiquement dans ce domaine. Et, au début des années 70, je travaille à temps plein au sein de l'entreprise paternelle. Magnétic France produit alors des tables de mixage, des amplis Hi-Fi et sono, des magnétophones, des chambres d'échos et de réverbération, etc.
A la même époque mon copain Jacques Mazzoleni émigre aux Etats-Unis. Comme les souvenirs et les passions de jeunesse ne s'effacent vraiment jamais, nous décidons, en mars 1978, et en complément d'abord de mon boulot, de créer, à nous deux et à Paris, un département au sein de Magnétic France consacré aux guitares américaines vintage. En 1978, aux USA, le marché local de ces instruments anciens commence à se développer sérieusement. Fender, Gibson, Rickenbacker, Gretsch, Martin sont des marques que tout le monde connaît au moins de nom et de renom. Comme Jacques est sur place, il peut voir, choisir et faire un tri dans ces guitares d'occasion tandis que moi, à Paris, je le guide dans ces achats par rapport aux demandes qu'on me formule. Dès lors, tous les espoirs de prospérité et de passion commune, jusque là inassouvis à propos de ces guitares américaines, sont permis. C'est ainsi que notre nom de guerre pour le business qui vient de se créer est Guitar Express. Il paraît que ça sonne très bien en Anglais ! Le comble du bonheur se réalise très rapidement après la création de Guitar Express Vintage. En décembre 1978 je reçois un coup de fil de Jacques tout excité qui me dit : "Devine ce que je viens de trouver ? Une Stratocaster Fiesta Red de 1958, identique au modèle que Hank Marvin arbore sur la pochette de leur premier 30 cm ! Le prix est de 1500 dollars. C'est super cher mais je vais l'achetée quand même." (Quand on pense que la même guitare, vue sa rareté, dans le même état de conservation, coûte aujourd'hui un minimum de 30000 dollars... Ca fait rêver !) Question : devinez maintenant à qui je l'ai vendu (malgré qu'on devait la garder) deux ans plus tard, en décembre 80, à Paris ? A Hank Marvin lui-même ! Le plus grand pied qu'on ait jamais pris ! Grâce à la vente de cette Fender Stratocaster à mon guitar hero, de nombreux coups de téléphone de fans des Shadows français me sont parvenus. Je fais la connaissance de nouvelles personnes, devenant pour certains de nouveaux amis, et Guitar Express en tant que groupe Shadows se reforme !
Daniel Lavollée reprend sa basse, moi ma Strato. Dans un premier temps nous jouons seulement à trois avec Didier Poirier à la guitare rythmique. En 1983 André Gaucher nous rejoint à la batterie. Puis, ayant eu des problèmes personnels, Serge Audebert, qui entre-temps avait refait surface, reprend sa place originelle. Enfin, après diverses tensions que la décence et l'honnêteté (comme aurait dit Pierre Dac) ne me permettent pas de divulguer ici, Alain Jocou remplace une nouvelle fois Serge, et Alain Bertrand succède à Didier. Depuis 1998, et parce que Guitar Express Vintage a été contraint de quitter le magasin de la Nation, et qu'ainsi mon temps libre me le re-permettait, je me suis intéressé, par passion, par plaisir et sur un plan purement technique à comprendre le pourquoi et les aboutissants qui ont conduits au timbre du son mythique des Shadows ! A présent, je suis fier d'être le père d'une boîte miracle : la P.B.Box qui me permet d'approcher au plus près le son de la guitare de Hank Marvin qui m'a fait baver, comme tant d'autres, depuis "Apache". Voilà pour ma part, la saga qui me vient à l'esprit quand il me faut parler de Guitar Express (le groupe). Mais la vie est encore longue ! Enfin, espérons le !